John Kenwright, enseignant d’anglais à Grenoble INP – Pagora : "Repenser tous nos cours en version numérique et interactive est un challenge très intéressant"
le 15 avril 2020
John Kenwright, enseignant d’anglais à Grenoble INP – Pagora et membre de PerForm, partage avec nous son expérience d’enseignement à distance et son ressenti sur la situation.
Quel est votre ressenti sur la situation ?
C’est un étonnement énorme pour moi. C’est un peu comme si nous étions sur une autre planète. En même temps, la situation est tout de même stressante. J’ai un ami qui est dans le coma, en réanimation entre la vie et la mort alors qu’il n’avait aucun antécédant médical. Le danger est vraiment réel !
Mais je vois aussi du positif dans cette situation : dans la vie soit on gagne, soit on apprend. On ne perd jamais ! Le positif de cette situation, je le vois comme une opportunité de se consacrer à l’introspection, de réfléchir au sens de la vie et de prendre conscience de toutes les petites choses de notre quotidien « normal » qui nous rendent heureux.
Cette situation inédite est une opportunité de passer plus de temps avec mon fils. Nous pouvons travailler de chez nous, même si le travail à distance a ses limites.
Qu'est-ce qui a changé dans votre façon de travailler depuis le confinement ?
Le grand changement, c’est la posture pédagogique et l’acquisition de compétences technologiques pour nos élèves. Il est donc important de remettre notre pédagogie en question. Je suis convaincu que lorsque les cours reprendront « normalement », nous aurons tiré des enseignements pédagogiques de cette situation exceptionnelle et le corps enseignant ressortira ayant acquis des nouvelles compétences technologiques et pourra même repenser certaines postures avec ces nouveaux outils.
En tant qu’enseignant de langue, j’arrive à orchestrer mes cours à distance presque mieux qu’en présentiel. J’utilise la plateforme Discord comme outil et suis amusé de constater que mes étudiants sont plus disciplinés à distance qu’en présentiel.
Comme membre de PerForm, je suis bien outillé technologiquement : nous utilisons des technologies en ligne et des salles de cours virtuelles depuis 10 ans déjà ! Les 2-3 premières semaines, j’ai été beaucoup sollicité pour aider des collègues à mettre en place leurs enseignements à distance. Je travaillais de nombreuses heures par jour sur écran, c’était vraiment très fatigant. Notre manière de travailler a changée, il faut repenser tous nos cours et tous nos supports en version numérique et interactive, c’est challenge très intéressant.
Comment maintenez-vous le lien avec vos collègues ?
Nous maintenons le lien déjà avec Discord pour le travail, mais nous avons également instauré des moments conviviaux : des tea time, apéros, goûters ou pauses café en visio.
Qu'est-ce qui est le plus difficile ? Qu'est-ce qui vous manque le plus ?
Le plus dur, bien entendu, est de ne pas voir les gens que j’aime tous les jours, de ne pas pouvoir se prendre dans les bras. Ce qui manque aussi, c’est de pouvoir se promener dehors, faire des festivals, des concerts, se balader en ville ou au parc, etc.
Vos petits trucs pour être mieux organisé ?
Je suis déjà ultra organisé. Un des petits trucs pour l’enseignement, je pense, est de garder une trace numérique de tout. Il faut aussi pouvoir prioriser ses tâches et gérer son temps en prenant soin de faire des pauses de 5-10 minutes, de couper un peu avec l’ordinateur.
Comment parvenez-vous à compartimenter vie professionnelle et vie personnelle puisque tout se joue dans un même espace ?
J’ai la chance d’avoir un petit jardin. Tous les jours, je sors 20 minutes, courir un peu ou taper dans un ballon. Avec mon fils, nous jouons au ping-pong, billard, fléchettes. Je fais aussi une pause l’après-midi et je prends un thé dehors. Nous avons instauré des espaces dédiés : la chambre de mon fils est devenue une salle de cours, le salon est devenu mon bureau. Il est important de ne pas être tout le temps l’un sur l’autre, comme nous sommes ensemble 24h sur 24. J’essaye de mieux tenir les horaires, de déconnecter un peu : les premières semaines, je travaillais souvent jusqu’à minuit !
Comment faites-vous pour vous détendre ?
La musique m’aide beaucoup pour ça. Je fais des breaks de 10 minutes en chanson avec la guitare. Dans mon garage, j’ai un système son et lumières, je tourne des petites vidéos. Comme je suis musicien depuis longtemps, je maintien le lien en postant une vidéo live en mode acoustique d’une chanson par jour sur Facebook. Des connaissances que je n’avais pas vues depuis 30 ans ont pu renouer le contact grâce à ses vidéos. Des gens m’ont même contacté depuis l’Australie ou la Nouvelle-Zélande ! C’est aussi un aspect positif de la situation.
Ce qui est dur, c’est de ne pas pouvoir faire de sport. Je n’ai pas envie de sortir pour aller courir, alors je fais comme Nelson Mandela : entre 50 et 80 tours de cour intérieure en marche rapide. Je fais également des montées et descentes d’escaliers pour le cardio.
La première chose que vous ferez une fois le confinement terminé ?
Une grosse fête avec 100 ou 200 personnes, un énorme barbecue et des concerts dans mon garage. Le mieux sera de pouvoir sortir, d’aller à plus de 10 mètres de chez moi. Aller boire un verre en terrasse et échanger des regards complices avec des inconnus car nous partagerons tous le même sentiment.
Publié le 7 mai 2020
Mis à jour le 7 mai 2020
Mis à jour le 7 mai 2020
John Kenwright
> Enseignant d'anglais à Grenoble INP – Pagora